2003 :

"La Mastication Des Morts 

de Patrick Kermann

 

 

Amours et haines, heurts et malheurs, crimes et châtiments... Une visite aux champs des morts...  Voici tout un petit monde de l’ombre qui se met à se raconter, à râler, à dégueuler des morceaux de vie indigestes, des histoires ou l’Histoire.

Les Vinchon, les De Lespinasse, les Riboux, les Delput ou les Bigot.. plus de 80 personnages ayant un point commun : tous sont morts !

Des situations étranges comme des petites saynètes imbriquées les unes dans les autres, une multitude de petites histoires absurdes, drôles, ridicules, embarrassantes, cruelles à souhait !

Patrick Kermann dresse avec humour – noir, garanti ! – et tendresse le portrait d’une société rurale, d’un village : Moret sur Raguse. Plus de 150 années de ce petit village imaginaire) de France racontées…par en-dessous ! Alors ... tendez l’oreille !... Ecoutez... Ils parlent ... Ils se souviennent de leur vie ... Ils (se) racontent ... 

Le spectacle leur donne la parole pour leur rendre justice !

La Mastication des morts... Ce qui m’a d’abord attiré ce sont ces deux mots : mastication et morts ! Pourquoi ?

...Heu... ! Peut-être parce qu’ils sonnent bien ? Peut-être parce que la définition de mastiquer est de broyer avec les dents avant d’avaler ? Peut-être parce que nous avons tous besoin d’exorciser un peu cette peur de la Mort ?

Peut-être parce que nous mastiquons tous ce mot avant de l’avaler ? 

Toujours est-il que j’ai découvert là une brochette de morts pas piquée des hannetons : les morts de leur « belle » mort, les morts fous, amoureux, par accident, suicidés, morts à la guerre, mort-nés... Toutes les morts possibles et imaginables !

Pas très gai tout cela me direz-vous ! Et bien voilà tout le paradoxe de La Mastication des Morts. Le tragique et le comique se fondent pour créer parfois le grotesque : on rit d’actes atroces tout en éprouvant un sentiment de malaise face à des situations de vaudeville. C’est l’éclectisme des textes, des tonalités, des couleurs, l’absence complète de ponctuation qui donnent ce sentiment de rythme, de mouvement comme un ballet…de vie, quoi ! Quel beau pied de nez : y a-t-il une vie dans la mort ? une mort dans la vie ? une vie après la vie ? ou après la mort ? En tous cas c’est bien de vie dont il s’agit ici ! Une vie trépidante, grouillante, saoulante de voix, de bruits, de cris, comme ces jouets interactifs pour enfants... Ça grouille de vie chez les morts et puis ils ne mâchent pas leurs mots, vu qu’ils n’ont plus rien à perdre !

Alors pourquoi sont-ils là ? Voilà la question que je me suis posée. Après 1000 réponses, la seule qui me satisfait est celle de l’explication. Ils sont là pour s’expliquer, pour se réconcilier – nous réconcilier – avec la Mort. C’est un jugement. Le dernier ? 

Ils sont tous invités à la barre pour témoigner de leurs erreurs, de leurs fautes, de leur innocence, de leurs pêchés (…?)

Ils vont tous devoir « dégueuler » leur vie, se purger, se libérer, pour ... Pour quoi, au fait ... ?

C’est en m’amusant de la mort, en jouant avec ses signes, en la traduisant par l’une de ces machines de foire où l’on tape sur les têtes de bonshommes pour les faire disparaître, que je traduis mon désir de VIVRE, ma rage de m’accrocher, mon bonheur d’être là.

Et puis c’est peut-être pour cela que j’ai choisi ce texte : pour faire de la mort une grande foire à la vie, un grand hymne à la vie !