MigrAAAAnts

 

Ills viennent des quatre coins du monde, là où la vie n’est plus compatible avec l’idée d’avenir.

Ils sont des millions.

Combien de millions ?

On ne sait pas.

On les appelle « migrants » et ils ont une seule chose en tête : arriver en Europe…

 

Après plusieurs mois d’enquête en tant que journaliste pour RFI, Mateï Visniec signe une comédie noire sur l’une des plus grandes tragédies de notre temps. Une tragédie qui se déroule devant nos yeux, digne du théâtre antique grec où l’homme se confrontait à la force implacable du destin. Cette pièce a au moins un but : casser l’indifférence, créer un électrochoc salutaire. 

 

Nous croisons des passeurs avides, un président de la République totalement déboussolé, un conseiller plus que cynique, des marchands de rêves, des publicitaires sans état d’âme, un jeune homme à qui on propose de vendre ses organes pour se payer la traversée, et tant d’autres …

 

« La guerre n’a jamais été belle, les migrations n’ont jamais été joyeuses. Mais le tsunami migratoire auquel nous assistons est odieux des deux côtés de la frontière. Qu’on organise un salon du barbelé, qu’on décide de montrer dans les médias les pires situations pour dégouter les impétrants, qu’on dose savamment l’humanisme naturel et la protection des frontières, tout s’oppose aux événements.

L’absurde, le grotesque, l’énorme si chers à l’auteur perdent ici leurs limites tant le sujet est immense et révoltant. Matéi Visniec le traite d’une façon éclatante, simple, directe dans cette pièce qu’on lit en un souffle et qui, ne s’achevant pas, provoque l’effroi et la rage.  » 

 

Christophe Mory - préface à l’édition du recueil

 

La mise en scène

 

« Aujourd'hui, dans le monde globalisé, nous sommes tous des migrants...

Mais avons-nous la sagesse de comprendre notre nouvelle identité ? Avons-nous l'intelligence d'imaginer un nouveau modèle de société pour que la vie devienne vivable pour tous ? Et surtout, trouverons-nous les moyens d’imposer la paix globale et un état de droit universel pour que les migrations ne poussent pas à des nouvelles violences et à un repli inhumain sur soi ? » (Extrait de la 4ème de couverture de Migraaaants) 

Cette présentation de l’œuvre fait écho à ce qui nous questionne : nous sommes tous potentiellement amenés à devenir migrant un jour, pour une raison ou pour une autre (changement climatique, politique, guerre…) Malgré le sérieux et l’actualité de son sujet Visniec nous permet d’en (sou)rire. 

La causticité, le cynisme du texte, sa construction d’histoires entremêlées présentées en scènes courtes nous ont également interpellés.  Avec ce texte on passe du réalisme à l’absurde, Visniec pousse la logique cynique à son paroxysme.

 

Ce texte représente un défi pour nous : traiter d’un thème d’actualité prégnant sur notre territoire. Il nous semble essentiel de parler de ce sujet, de montrer le pire car « le pire est à venir, ce n’est qu’un début... »

D'autre part, il nous a semblé que notre univers onirique, poétique et décalé pouvait parfaitement s'allier à un sujet aussi réel et concret que celui-là et qu'il permettrait/permettait même un autre regard, un autre angle sur cette problématique. Faire réfléchir et réagir par la distance. Adoucir pour mieux frapper les mentalités.

Nous ne voulons pas donner dans le pathos, le texte est à contre-courant des clichés sur les migrants.

Le migrant est devenu « banal » dans notre quotidien mais il n’est que trop rarement individualisé, les médias nous parlent des migrants, jamais d’un migrant.  Nous voulons montrer les limites de l’absurde de nos sociétés qui profitent pourtant de la situation. C’est également un défi pour la compagnie : nous n’avons jamais joué de textes aussi ancrés dans l’actualité.

Notre deuxième défi est de représenter de jeunes migrants des 4 coins du monde aux cultures différentes sans faire appel à des comédiens extérieurs, être crédible avec la troupe actuelle et utiliser cela pour rendre le sujet atemporel et universel.

 

 

Comment des petits blancs européens comme nous peuvent-ils faire pour représenter de jeunes migrants colorés ? 

Il nous semble important de faire une présentation / opposition de ces deux mondes : les migrants (en tant qu’entité, masse, collectif sans singularité) et les autres, ceux qui sont autour, qui prennent sans scrupule tout ce qu’ils peuvent prendre des migrants, les " V-autours." Le texte donne la parole à ces " V-autours " ­–­­ très peu, voire pas, aux migrants –­ et à leur manipulation. Notre société manipule ce sujet…  Nous souhaitons donc opposer sur scène ces profiteurs à ces gens perdus : les uns seront principalement habillés de gris, les autres seront masqués et colorés (comme des mannequins ou des marionnettes interchangeables, comme des objets, manipulés par les autres).

Nous souhaitons ainsi créer une distance avec la réalité en représentant les migrants par le groupe, le masque, dans l’idée d’en montrer leur universalité. Et puisque nous ne sommes que des « petits blancs » nous voulons gommer toutes références explicites aux origines de ces gens (nom de pays, langues, etc.), rester dans le « flou » pour marquer ce côté « globalisation de la migration ».

Un travail sur l’univers sonore et sur la place de la mer nous semble aussi important…